Notre accouchement naturel à la maison

 
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Coucou,

Voici enfin le récit de notre accouchement que vous m’avez tant réclamé ! Je dis bien “notre” accouchement, parce que c’était vraiment un travail d’équipe, du début à la fin. Sans l’aide de Shu, mon mari, je n’aurais jamais pu donner naissance paisiblement à notre petite Lili-Rose, dans notre salon, à Amsterdam. Il me tient à coeur de partager ce récit parce que les histoires positives d’accouchement sont trop rares. On est habitué dans les séries, les films, à entendre hurler les femmes en salle d’accouchement. A n’entendre parler que de ce qui tourne mal. De la douleur atroce et/ou des violences obstétricales. En France, surtout, lorsqu’on évoque la volonté d’accoucher sans péridurale, on est tout de suite traitée de folle, ou rapidement découragée :“tu vas voir ça fait tellement mal que tu vas finir par la réclamer la péridurale”. Pourtant, il est vraiment possible de vivre un accouchement serein, sans hurler (sauf si c’est cela qui vous fait du bien), et sans assistance de machines médicales, d’instruments ou d’anti douleurs. Vous avez juste besoin d’être à l’écoute de votre corps, d’avoir confiance en lui, des hormones anti-douleurs qu’il produit naturellement, d'un super partenaire et bien sûr des mains de fée d’une sage-femme à l’écoute. Je ne suis pas “anti-péridurale”, je n’aurais moi-même jamais pu imaginer accoucher sans péridurale il y a de ça quelques mois, et je respecte les choix de chacune. Au contraire, je suis pour que les femmes aient le choix, en toute connaissance de cause, de donner la vie comme elles le souhaitent. N’hésitez pas à partager cet article si vous pensez qu’il pourrait faire du bien autour de vous. Bonne lecture !

Le 19 septembre 2020, à 15h50, notre vie a changé à tout jamais.

Le jour précédent, c’était mon terme. Évidemment, je savais que l’on pouvait accoucher après terme. La sage femme nous avait même dit qu’on pouvait attendre 42sa, soit jusqu’au 2 Octobre, sans trop d’inquiétude. J’essayais donc de ne pas me focaliser sur cette date du 18 septembre. Sur le moment j’appréhendais surtout de devoir passer par la case déclenchement car je savais que ce n’était pas très bon pour le bébé et qu’en plus cela rendait le travail plus douloureux généralement.

Finalement, c’est dans la nuit du 18 au 19 septembre que j’ai ressenti mes premières contractions. Les fameuses. Celles dont j’ai entendu parler durant toute ma grossesse sans jamais pouvoir imaginer à quoi elles ressembleraient et ce qu’elles me feraient ressentir. Au départ, vers 1h, c’était simplement des douleurs dans le bas du ventre et les ovaires, comme pendant les règles, et un peu dans le dos, comme une sorte de ceinture. Mais cette “douleur” (je mets des guillemets car vraiment à ce moment là ce n’était pas plus douloureux que des règles. Ayant des règles très douloureuses j’étais rodée) était permanente. Elle ne faisait pas de va-et-vient.
Puis vers 3h du matin, j’ai commencé à noter cette sensation dont j’avais entendu parler durant mes cours d’hypnobirthing, la fameuse vague. Qui s’en allait, puis revenait, régulièrement. J’ai donc téléchargé une application pour vérifier si les contractions étaient régulières. Je décidais d’attendre pour réveiller Shu. Je voulais être sûre que le travail avait bien commencé.
Vers 4h30, les contractions duraient environ 1 minute et étaient espacées de 11 minutes. J’ai pris une douche chaude pour voir si elles s’arrêtaient mais elles restaient régulières. Ces vagues n’étaient pas trop douloureuses au départ mais ça commençait à s’intensifier. J’ai donc décidé de réveiller Shu car j’allais sûrement avoir bientôt besoin de son aide. Et surtout, il fallait organiser notre salon pour l’accouchement à la maison. Notre chambre étant minuscule (moins de 8m2) il était plus simple de tout faire dans le salon pour pouvoir bouger comme je le souhaitais et avoir mon ballon. Shu a installé le sofa en mode lit, l’a protégé d’une bâche et d’un grand drap housse et il a accroché des rideaux aux fenêtres.
Au départ, pour ne pas trouver le temps trop long, j’ai voulu m’occuper l’esprit en regardant un film que j’adore, “Coyote girls”, pas vu depuis des années. Mais je n’ai pas pu rester longtemps sur le canapé ! J’étais bien plus à l’aise sur le ballon de grossesse. Je devais mettre le film sur pause entre chaque vague pour me concentrer et respirer comme je l’avais appris grâce à l’hypnobirthing.
Très vite, il a fallu arrêter le film car je rentrais dans ce qu’on appelle “la phase active du travail”. Les vagues étaient régulières, duraient une minute, avec une intervalle de seulement 7 minutes entre elles.


Nous étions censés appeler la sage femme seulement lorsque les contractions étaient espacées de 3 minutes, duraient plus d’une minute et ce, depuis au moins 1h.
Mais vers 7/8h du matin, j’ai réalisé qu’à chaque fois que je devais aller aux toilettes, je perdais pas mal de sang. Je n’avais jamais lu qu’on pouvait perdre du sang (rouge vif, comme en période de règles) pendant le travail donc cela m’a inquiété. Je me doutais que c’était peut-être dû à l’ouverture de mon col mais je préférais être rassurée. Shu a donc appelé le numéro d’urgence du cabinet de sages-femmes. Une sage-femme de notre cabinet était en permanence joignable, 24h/24 7j/7 si nous avions la moindre question ou inquiétude, et ce, pendant toute la grossesse et même après la naissance.

Tout de suite, j’ai reconnu la voix de Milou, notre sage-femme préférée. Milou nous avait accompagné un an auparavant, jour pour jour, dans l’une des expériences les plus difficiles de notre vie, ma fausse couche. C’est elle aussi qui avait fait la première échographie des 7sa de notre petite fille. Tout de suite je lui ai demandé quand finissait sa garde. Elle nous a répondu 18h30. Pour nous, c’était un signe : je devais accoucher aujourd’hui et je devais le faire avant 18h30 !
Milou était rassurante concernant mes pertes de sang. Tant que cela n’était pas les chutes du Niagara et que ça ne coulait pas sur les jambes par exemple, tout allait bien. Elle nous a demandé de la rappeler plus tard, lorsque les vagues auraient 3 minutes d’intervalle.

Pendant ce temps là, Shu et moi avions trouvé notre système pour gérer ces vagues. J’étais assise sur mon ballon, j’avais une chaise tournée devant moi pour pouvoir m’appuyer sur le dossier. Shu était assis derrière moi, prêt à me masser le dos à chaque nouvelle vague. Il a été extraordinaire. Je savais que je pouvais compter sur lui mais il a été au-delà de toutes mes espérances. Sans lui, je n’aurais jamais pu accoucher à la maison et sans péridurale.
Ses massages (frottement du bas du dos et pression du bas du dos + massage relaxant en forme de huit entre chaque contraction, des techniques apprises en cours d’hypnobirthing) étaient un tel soulagement. Quand je devais aller aux toilettes et qu’il n’était pas là pour m’aider à gérer, la douleur était décuplée. Du coup, je redoutais d’aller aux toilettes. Mais en même temps mes intestins voulaient se vider pour laisser plus de place au bébé pour descendre. A chaque fois, je perdais aussi un peu plus de sang ce qui commençait à m’inquiéter.
Les contractions étaient maintenant régulièrement espacées de 3 min on a donc appelé Milou. Elle nous a informé qu’elle devait aller aider sur une urgence et qu’elle viendrait chez nous ensuite, d’ici 1h. On l’a rappelée quelques temps plus tard, car je continuais à perdre pas mal de sang, et elle est finalement arrivée 15 minutes après.
Stressée un peu par cette perte de sang, certaines vagues étaient devenues plus douloureuses. Je savais que je ne devais pas me laisser envahir par le stress. Car se sont bien les hormones du stress, comme l’adrénaline, qui sont responsables de cette douleur. C’est d’ailleurs pour ça qu’accoucher à l’hôpital est généralement plus douloureux. Le monitoring, le personnel médical qui va et vient, etc, causent du stress et augmentent la douleur des contractions.

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Je devais rester concentrée sur ma respiration, accueillir chaque vague qui me rapprochait de mon bébé. Je lisais les affirmations positives que j’avais accrochées quelques jours plus tôt sur le mur du salon et m’en récitais dans la tête tant je les connaissais par coeur. Depuis le début du deuxième trimestre de ma grossesse, j’écoutais quotidiennement les audios fournis par prof d’hypnobirthing. Des exercices de relaxation, et des affirmations positives concernant l’accouchement. Par exemple “Plus le travail avance, plus je découvre de nouvelles ressources en moi”, “Je reste positive quoi qu’il arrive”, “Nous sommes la meilleure équipe pour notre bébé”, ou bien encore “Chaque vague me rapproche de mon bébé”.

Au départ, on a mis la playlist des musiques au piano composées par Shu, puis, quand les choses sont devenues plus intenses, nous avons joué une playlist de sons de vagues et d’océan trouvée sur Spotify (depuis j’ai découvert une super appli qui reproduit les sons de la nature, dont des vagues, le vent etc, c’est super pour l’accouchement, cela s’appelle “Atmosphère”). Je ne vivais plus qu’au rythme de ces vagues, qui m’apaisaient. J’étais dans ma bulle. Extrêmement concentrée.

Milou est finalement arrivée et a tout de suite été rassurante, douce, comme à son habitude. Elle m’a dit que nous avions l’air de super bien gérer, qu’elle était impressionnée.
Elle m’a demandé la permission d’examiner mon col (la toute première fois de ma grossesse) pour savoir si elle devait rester ou si elle pouvait repartir. Dans notre projet de naissance nous avions spécifié vouloir un minimum de contrôles du col de l’utérus et surtout de ne pas être informés de la dilatation pour ne pas être découragés ou influencés par un chiffre. Car ce qu’on apprend aussi en hypnobirthing, c’est que ce nombre de centimètres ne signifie pas grand chose. En effet, chaque femme est différente, on ne va donc pas forcément progresser de 1 cm par heure. Qui plus est, un stress intense peut même faire se refermer le col.

Milou a respecté de A à Z notre projet de naissance. Elle nous a juste dit qu’on avait super bien progressé déjà, qu’on était dans la phase active du travail et donc qu’elle allait rester. Il était 10h30/11h du matin.
Moi, je restais dans ma bulle. Mes yeux étaient fermés la plupart du temps. J’essayais de limiter les conversations au maximum et aussi les interactions visuelles.
Je restais sur mon ballon autant que possible, mais plus ça allait, plus je ressentais comme une envie d’aller aux toilettes/à la selle, alors que mes intestins étaient déjà vides. J’en ai fait part à Milou et elle m’a expliqué que cela signifiait que le bébé descendait bien. Il allait donc falloir quitter mon ballon adoré à un moment pour trouver une position qui laisse plus place à la poussée.

Entre temps, la sage femme a appelé Delphine, notre Kraamzorg, pour venir l’assister pendant la naissance. Pour rappel, aux Pays-Bas, même si on accouche à l’hôpital, on ressort généralement quelques heures seulement après l’accouchement. C’est donc ensuite une kraamzorg qui vient s’occuper de vous et de votre bébé à votre domicile. Généralement 6h par jour pendant 8 jours.

Je commençais à me sentir très fatiguée. Je ne voulais qu’une chose : dormir. On a essayé une nouvelle position : moi par terre à genoux sur le tapis de yoga et le haut de mon corps et ma tête qui reposaient sur un coussin sur le sofa. Changer de position m’a semblé à ce moment là insurmontable. Le fait de bouger avait rendu la douleur presque insoutenable. Mais les vagues étaient efficaces, Milou ne cessait de m’encourager. Shu également. Je n’arrivais malheureusement pas à me reposer entre chaque vague dans cette position et j’étais à bout de force (pour info, je ne suis pas une grande sportive de base et clairement l’accouchement, qui plus est physiologique, c’est un marathon !) Milou m’a alors proposé de m’allonger sur le côté, sur le canapé. Je savais que je serais confortable dans cette position mais j’avais peur que ce ne soit pas très bon niveau gravité. Elle m’a dit de ne pas m’inquiéter, qu’il était plus important pour l’instant que je puisse reprendre des forces.
J’ai tout de suite été soulagée une fois allongée sur le côté. Je crois que j’aurais pu même dormir entre chaque vague. Peut-être l’ai-je fait, je ne m’en souviens plus.
J’ai toujours gardé mes yeux fermés. J’étais comme en transe, dans mon monde. Je n’avais aucune idée de l’heure qu’il était. Je n’avais pas regardé l’heure depuis 8h du matin. Cela faisait aussi partie des techniques d’hypnobirthing de ne pas se soucier de l’heure, car de toute façon notre perception du temps est totalement différente pendant le travail.

Chaque vague est devenue de plus en plus intense et rapprochée. Le reflex de poussée s’est soudain fait ressentir. Milou m’a dit d’embrasser cette sensation et de laisser mon corps pousser si j’en ressentais le besoin. J’appliquais désormais instinctivement la dernière technique de respiration d’hypnobirthing. Celle de la naissance, celle répétée mainte et mainte fois au moment d’aller à la selle ces derniers mois. Le reflex de poussée par le bas. Respirer calmement, ne jamais forcer, ne jamais pousser par l’avant pour respecter mon périnée et laisser le reflex de poussée faire le reste.

Shu était toujours à mes côtés. Inlassablement, il me massait le dos, m’encourageait, alors qu’il était aussi fatigué. Milou, notre sage femme, était d’une zénitude incroyable. Quand j’entrouvrais les yeux je la voyais siroter un thé, assise sur un pouf, en me regardant. Elle n’est jamais intervenue. Elle me disait que ce que je faisais était extraordinaire. Qu’elle voyait mon col s’ouvrir de plus en plus. Elle m’a demandé l’autorisation de regarder à nouveau mon col. C’était seulement la deuxième fois. Je lui ai donné. A ce moment là, j’étais persuadée, naïvement, que en quelques poussées notre fille serait là. Que Milou allait pouvoir toucher sa tête.
Milou m’a confirmé qu’on était proche de la fin, que notre fille descendait super bien mais j’ai compris aussi qu’on était loin de pouvoir toucher encore sa tête. Je me sentais alors incapable d’aller au bout. Etait-ce la fameuse phase de désespérance ?

Pendant ce temps là, dans ma tête, toutes les pensées s’entrechoquaient : “je ne vais pas y arriver”, “mais pourquoi j’ai voulu accoucher sans péridurale”, “qu’elle idée j’ai eu”, “je ne suis pas assez forte pour endurer tout ça”... je pleurais à moitié, ou en tout cas c’était l’impression que j’en avais. Je réaliserais plus tard que je n’ai jamais vraiment exprimé toutes ces pensées à voix haute, moi qui pensais avoir passé mon temps à me plaindre et à être négative. La sage femme, la Kraamzorg et Shu me raconteront ne jamais m’avoir entendu défaillir, avoir toujours été dans ma bulle, silencieuse. Ses pensées ne sont restées que des pensées. Que je n’avais même pas eu la force de prononcer à haute voix.

J’ai ensuite voulu changer de position pour vraiment faire appel à la gravité. Milou a lu dans mes pensées et m’a informé qu’elle avait demandé à une collègue d’apporter un “birth stool,” un tabouret de naissance. Je m’accrochais à ce tabouret. J’en étais certaine, il serait mon salut. Une fois qu’il serait là, je pourrais enfin pousser et sortir ma fille. Tout ça s’arrêterait. Le tabouret était censé arriver d’ici 10 min m’indiquait Milou. Ces dix minutes m’ont paru interminables. J’espérais que chaque poussée serait la dernière. J’étais épuisée...

Le tabouret est arrivé. Il s’agissait d’une sorte de tabouret très bas en arc de cercle de seulement 15cm de large. On n’y pose que les bouts de ses fesses et une partie de ses cuisses. Shu s’est installé sur une chaise derrière moi, il serait mon dossier, mon pilier sur lequel je pouvais toujours m’appuyer, dans tous les sens du terme.
Une fois assise sur ce tabouret, ce fût la révélation. J’ai retrouvé mes forces, je ressentais moins de douleur, je sentais la progression à chaque vague. Je me sentais plus forte, plus concentrée que jamais. Les seules douleurs qui me restaient étaient celles dans le ventre. C’était comme des règles douloureuses mais en 100 fois pire. Mais ce n’était rien. Plus rien désormais.
J’ai senti la tête qui descendait. Chaque poussée, je l'espérais, serait la dernière. Milou me disait inlassablement que je faisais un travail extraordinaire. Shu et Delphine également. Delphine m’a apporté de l’eau. Je mourrais de soif. J’avais toujours les yeux fermés. J’entendais les instructions de Milou sans vraiment les entendre. J’étais plus concentrée que jamais, dans l’attente de chaque nouvelle vague, car je savais qu’elle me rapprocherait de mon bébé.
Les vagues justement étaient plus espacées, comme pour me laisser le temps de bien me reposer pour la prochaine. Moi, je voulais juste qu’elles arrivent pour que cela s’arrête, pour rencontrer enfin notre bébé.
Milou et Delphine m’ont alors dit qu’elles voyaient ses cheveux, les longs cheveux noirs de ma fille. Les mêmes que son papa. Milou m’a demandé si je voulais les toucher. À ce moment là, je ne pouvais pas, je ne voulais pas. Je voulais juste rester concentrée sur mes poussées, sur la naissance. Je n’avais pas besoin de motivation supplémentaire, je savais que la récompense serait la fin des douleurs et la rencontre tant attendue. La poche des eaux a enfin cédé. C’était bientôt la fin.

Puis est venue une nouvelle poussée et la pire douleur de cette journée. Sa tête était à moitié sortie et coincée jusqu’à son nez. Cela me brûlait comme jamais. J’avais l’impression qu’un chalumeau était allumé entre mes jambes. Je n’ai pas d’autres images ou mots pour exprimer cette douleur invraisemblable. Pourquoi n’avais-je jamais entendu parler de ce moment, de cette douleur, dans tous les podcasts et récits que j’avais écoutés ou lus?

Pendant tout ce temps, Milou vérifiait régulièrement le cœur du bébé à l’aide d’un doppler. Il continuait de battre super bien. Milou n’en revenait pas. Les battements ont été réguliers du début à la fin. Et notre fille bougeait toujours autant, me donnant même des kicks pour sortir, comme pour m’aider. C’était un travail d’équipe où chacun faisait sa part.

Milou et Delphine m’ont alors dit : “la prochaine poussée sera la bonne c’est sûr”. J’attendais cette ultime vague comme le Messie. Celle qui me délivrerait de tout ça. Les secondes semblaient des minutes mais est arrivée cette sensation que je connaissais désormais par coeur, j’allais enfin pouvoir pousser. Milou ma dit d’être attentive car après avoir poussé il allait falloir que je me retienne et que je souffle cette fois-ci, quand elle me le dirait. C’était très important. Je ne comprenais pas tout, je disais oui oui, je ne savais pas en réalité si je pourrais m’arrêter. La dernière vague est arrivée, je l’ai prise et j’ai soufflé quand Milou me l’a demandé. Et puis, la délivrance. J’ai senti ma fille toute entière qui quittait mon corps. Je l’ai récupéré directement sur moi dans mes bras. Il était 15h50.
Je ne pourrais jamais vraiment décrire ce que j’ai ressenti à ce moment là. J’étais sous le choc. Notre petite fille toute chaude était enfin dans mes bras. J’entendais Shu pleurer derrière moi. On s’est regardé, je pleurais sans que les larmes ne puissent réellement couler tant j’étais émue. Le temps s’est arrêté. La douleur a instantanément disparue. Je dirais même que cette sensation, quand elle est sortie, était proche du plaisir. Un tel soulagement. Notre fille, notre petite Lili-Rose, était si belle à peine née. Elle pleurait, on entendait sa petite voix. Et elle avait déjà les yeux grands ouverts. J’étais la plus heureuse du monde.

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J’ai reçu un shot d’ocytocine dans la cuisse pour aider le placenta à sortir rapidement car j’avais déjà perdu pas mal de sang. On m’a déplacé sur le canapé pour m’allonger. J’ai fait du peau à peau avec ma fille. Elle m’a fixé, droit dans les yeux, avec ses grands yeux en amande. Comme pour me dire, “je te reconnais maman”. Ce moment a été si intense, je ne pourrais jamais l’oublier. C’est là que les larmes ont je crois commencé à couler. Je l’ai trouvé si belle. Shu était à mes côtés et nous étions complètement sous le charme, ivres de bonheur. Nous avons attendu qu’il n’y ait plus aucune pulsation dans le cordon ombilical pour le couper. Environ une trentaine de minutes je pense.
On m’a demandé de pousser à nouveau, une dernière fois, pour sortir le placenta et la poche où se trouvait le bébé . Il est sorti tout entier. Milou nous l’a montré ainsi que l’arbre de la vie dessiné à l’intérieur. Elle nous a encouragé à le prendre en photo. Photo que nous gardons précieusement, comme toutes celles prises par Delphine, notre kraamzorg, durant l’accouchement.

La première tétée de colostrum a été un peu laborieuse, comme le sera notre allaitement (j’en parlerais dans un autre article). Mais j’ai savouré chaque instant.
Puis ça été au tour du papa de faire du peau à peau. C’était si beau de les voir tous les deux. Comme une évidence. Shu et Lili-rose se connaissaient déjà. Ils avaient créé leur relation pendant toute la grossesse et ça se ressentait déjà tellement.
Pendant ce temps, j’ai dû affronter les premiers moments du post-partum, et c’était moins sympa, on ne va pas se mentir. J’ai dû avoir quelques points. Malgré ma préparation avec l’épino (j’avais atteint les 10/11cm, j’en parle dans ma story à la Une grossesse) j’ai eu une petite déchirure externe. Mais Milou m’a rassuré, ce n’était vraiment rien contrairement à ce qu’elle a l’habitude de voir. “Tu as poussé comme une chef et bien respecté ton périnée'“ m’a-t-elle dit.

Ce n’est clairement pas le moment le plus agréable de se faire recoudre en bas, alors que tu veux juste profiter de ces moments avec ton bébé. Mais il est important de ne pas trop attendre pour que ce soit moins douloureux. Milou a été tellement douce et respectueuse pendant tout l’accouchement et après. Elle m’a toujours expliqué et demandé l’autorisation avant de faire quoi que ce soit. Me donnant toujours le choix de refuser. J’ai conscience de la chance que j’ai d’avoir accouché dans un pays aussi respectueux de la femme, de la maman, de l’accouchement. Un pays où toutes les femmes peuvent accoucher à la maison si elles le souhaitent, ou bien à l’hôpital. Un pays ou peu de femmes prennent la péridurale mais où tu ne seras jamais jugée si tu la veux. Un pays où on te rappelle durant toute ta grossesse qu’être enceinte et accoucher et quelque chose de naturel, et que nous, les femmes, avons cette force incroyable en nous pour donner la vie, sans l’aide, le plus souvent, de la médecine.
Bien sûr, si quoi que ce soit c’était passé, si Milou avait eu le moindre doute, la moindre inquiétude, elle n’aurait pas hésité à me faire transférer à l’hôpital. Je m’étais aussi préparée à ne pas avoir l’accouchement dont je rêvais. J’avais conscience que rien ne pouvait se passer comme prévu. Là encore, j’ai eu cette incroyable chance de donner naissance à notre fille comme nous en avions rêvé. Paisiblement, dans notre salon.

Le plus drôle, c’est qu’il m’a fallu un peu de temps pour réaliser que oui, je l’avais fait. Moi la fille hyper douillette. Moi qui avais entendu enfant mon médecin me dire que mon seuil de tolérance à la douleur était beaucoup plus bas que la moyenne. Moi qui, avant de commencer l’hypnobirthing, n’avait jamais pratiqué la relaxation ou la méditation. Et encore moins imaginé donner un jour naissance à la maison, sans péridurale.
Je crois que l’une des première chose que j’ai faite après avoir accouché ça a été de m’excuser. M’excuser auprès de Shu, de Milou et de Delphine, pour avoir été si négative, pour m’être plainte de la douleur. Et je me souviens encore leurs yeux écarquillés. “Mais tu ne t’es jamais plainte. Tu n’as jamais été négative. Tu es restée paisible, dans ta bulle, tout le long”. La phase active du travail avait duré 5 heures.
Delphine a eu l’adorable attention de filmer la naissance avec le téléphone de Shu. J’ai attendu près de 48h avant de visionner la vidéo puis je me suis sentie enfin prête. Avec Shu à mes côtés, j’ai visionné la naissance la plus paisible qu’il ne m’ait jamais été donnée de voir. Mes traits étaient détendus, je n’émettais aucun son. J’étais concentrée, je respirais, j’étais détendue. Même avant la dernière poussée, on ne pouvait lire aucune douleur sur mon visage. Shu, lui, avait le sourire aux lèvres. Comme pendant tout l’accouchement, car il avait, me dira-t-il, “pleine confiance en moi”. Lili-Rose est ainsi née dans la plénitude absolue.

Après avoir regardé la vidéo je me suis retournée vers Shu et j’ai fondu en larmes. J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Je réalisais seulement à ce moment là que oui, je l’avais fait. Que toutes ces pensées que j’avais eu étaient restées des pensées. Que le combat que j’avais mené dans ma tête, que toutes les fois où je m’étais dit que je n’y arriverais jamais, tout ça ne s’était jamais vu sur mon visage. Et vous savez quoi ? Je ne me suis jamais sentie aussi fière que ce jour là.

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